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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.


VI

LE MARCHAND DRAPIER EN GROS, admirant la campagne.
PAMÉLA.
LE DRAPIER.

C’est vraiment très gentil ce paysage-là.
Je connaissais Pantin, Vaugirard, les barrières
Et Montrouge où l’on fait des trous pour les carrières ;
En fait de campagnards, je n’avais jusqu’ici
Vu que des gargotiers de Vincenne ou d’Issy
Et des soldats buvant avec des femmes soûles ;
Mais ceci, c’est les champs pour de vrai. — Tiens ! des poules !
Vois donc cette masure et son vieil escalier !
Je ne me doutais pas de l’effet singulier
Que me fait la campagne et la belle nature ;
Car, ces bois, ce roulier qui fouette sa voiture,
Ce pré, c’est la nature, au fait, c’est évident.
C’est beau. Très beau. Je suis tout bête. Cependant
Une fois que j’allais au Havre en diligence
Pour je ne sais plus trop quelle affaire d’urgence,
En passant à Rouen j’avais vu des pommiers.
Je n’aime pas beaucoup ces horribles fumiers
Aux portes des maisons, ni ces flaques d’eau sale.
Bons paysans ! on a son cochon, on le sale,
On en vit tout l’hiver ; on brûle ses fagots ;
On fait des tas d’enfants laids comme des magots ;
On danse avec Goton, montrant sa grosse jambe,
Et le soir on fait cercle autour d’un feu qui flambe
Pour parler de sorciers, d’enfer, de revenants ;
Car cela croit toujours au diable, ces manants,
Et notre belle France est encore la terre
Des superstitions, hélas ! malgré Voltaire !
Voltaire ! que d’esprit cet homme dépensa !
Tiens ! ces mouches ! vois donc !

PAMÉLA.

Tiens ! ces mouches ! vois donc ! C’est des abeilles.