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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.


NOTES DE L’ÉDITEUR.



I

HISTORIQUE.


Le Théâtre en liberté parut en 1886, dans l’année qui suivit la mort de Victor Hugo. Ce fut pour le public la révélation d’un Victor Hugo inattendu. On admira cette fantaisie, cet esprit, cette belle humeur, et on témoigna même quelque surprise. On avait tort. Car la fantaisie est répandue dans plusieurs œuvres du poète. Mais ici elle se dégageait plus impérieusement, elle s’imposait plus impérativement parce qu’elle se présentait plus nette, plus en relief, étant presque sans alliage.

Ce qui étonna un peu, c’est que ce Victor Hugo, prétendu nouveau, se produisît si tardivement. On voulait découvrir là quelque filon ignoré de son génie cependant si varié.

L’impression et l’interprétation étaient fausses, et nous sommes amenés à étudier l’origine de cette veine fantaisiste d’où sortira plus tard le Théâtre en liberté.

Le personnage de don César de Bazan, dont Victor Hugo a donné une figure si vivante, si spirituelle, si pittoresque, si amusante dans Ruy Blas, a été le parrain de ce théâtre gai et plein de verve que le poète concevait déjà en 1838 et auquel il s’intéressera jusqu’en 1874, c’est-à-dire pendant plus de trente-cinq ans, mais, il est vrai, avec des répits et avec des intermittences.

C’était déjà bien du théâtre en liberté, mais il ne songeait guère encore à son ou ses volumes du Théâtre en liberté.

Ce gueux de don César, d’élégantes manières, ce grand seigneur sordide, qui fraye avec les chenapans et qui courtise les Lucinde et les Isabelle, l’attire, le fascine, le passionne ; et, dès 1842, Victor Hugo a dans l’idée quelque grande comédie dont le personnage principal sera don César.

Nous avons retrouvé de grandes feuilles doubles de dossier avec ce titre : Don César de Bazan et dans un angle : Comédie. Il n’a pas arrêté de plan, il n’a pas esquissé un scénario, il n’a pas même tracé une ébauche. Il nous présente son personnage sous divers aspects ; il le peint avec complaisance sous ses traits variés. Il écrit, ici et là, dix, vingt, trente vers ; les petits bouts de papier se multiplient, les fragments de dialogue pullulent. Il a bien cependant dans quelque coin de son esprit le sujet de sa comédie. Car don César converse avec des gueux que le poète sans doute a dénichés dans cette Cour des Miracles de 1653 dont il avait donné une description dans son roman de Notre-Dame de Paris, dès 1828. Quant aux aventures dont son don César sera le héros, nous les ignorons ; peut-être en trouverait-on le scénario rudimentaire dans une des scènes du premier acte de Ruy Blas, lorsque don César raconte ses prouesses avec les chenapans, les sacripants, le fameux voleur Matalobos, et lorsqu’il adresse des billets doux à ses Lucindes ?

La verve du poète, en tout cas, n’est jamais en défaut ; on sent, en lisant