dit qu’il faut faire bien attention, tellement que cette nuit vous avez eu le délire, et vous ne nous reconnaissiez plus, ma mère et moi ; et tout le temps vous m’avez dit Madame. Et ce matin vous avez voulu vous lever, malgré moi, et il a fallu vous recoucher, et vous vous êtes jeté tout habillé sur votre lit. Pas sage, monsieur grand-père. Vous n’êtes pas raisonnable. Ah mais ! vous êtes mon grand-papa, mais je suis votre petite maman. Dormez à présent.
Moi je suis comme ma mère, elle m’a pour fille, et moi
voilà mon enfant. Dormez, monsieur, — Pauvre bon père ! il ne sait rien de notre misère. Depuis deux mois qu’il est malade, ma mère lui a tout caché ! Oh ! quand il apprendra l’affreuse situation où nous sommes ce matin ! Comment faire pour qu’il ne s’en doute pas ? Ce sera presque impossible. Il verra bien les huissiers. Oh ! j’ai peur qu’il ne soit bien malade. Ma mère et moi, qu’est-ce que nous deviendrions.
J’entends ma mère parler dans le salon. Est-ce que ces gens seraient déjà arrivés ? Ils monteront de l’autre côté, par le grand escalier. Comment cela va-t-il se passer, mon Dieu ? Viendront-ils jusque dans cette chambre ? — C’est que je ne suis plus chez moi ici. Ce n’est plus ma chambre. Il a fallu y transporter mon grand-père. Et puis c’est le refuge de toutes les petites choses que ma mère voudrait sauver de la saisie.
Voici la boîte à laquelle ma mère tient tant. Je ne suis plus seule ici. Ma mère va et vient. — Pourvu qu’il ne vienne pas ce matin, lui ?
Je suis très pensif, savez-vous ? Aucun moyen de gagner le toit par là-haut. Tout est fermé. J’ai l’honneur d’être dans une souricière. Le portier ne m’a pas vu passer. C’est bon, mais après ? A peine a-t-on résolu ce problème, entrer, qu’il faut résoudre celui-ci, sortir. Voilà la vie.
Toute l’escouade est encore là, dans la rue. Damnée police. Alguazils ! sbires ! infâmes curieux ! Ils ont l’air de chercher. Ils guettent. Peut-être ont-ils perdu ma piste. Vague espérance. Délibérons.