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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

qu’on appelle les socialistes (Oh ! oh ! — Écoutez ! écoutez !) et de jeter avec eux un coup d’œil rapide sur la question générale qui trouble, à cette heure, tous les esprits et qui envenime tous les événements, c’est-à-dire sur le fond réel de la situation actuelle.

La question, à mon avis, la grande question fondamentale qui saisit la France en ce moment et qui emplira l’avenir, cette question n’est pas dans un mot, elle est dans un fait. On aurait tort de la poser dans le mot république, elle est dans le fait démocratie ; fait considérable, qui doit engendrer l’état définitif des sociétés modernes et dont l’avènement pacifique est, je le déclare, le but de tout esprit sérieux.

C’est parce que la question est dans le fait démocratie et non dans le mot république, qu’on a eu raison de dire que ce qui se dresse aujourd’hui devant nous avec des menaces selon les uns, avec des promesses selon les autres, ce n’est pas une question politique, c’est une question sociale.

Représentants du peuple, la question est dans le peuple. Je le disais il y a un an à peine dans une autre enceinte, j’ai bien le droit de le redire aujourd’hui ici ; la question, depuis longues années déjà, est dans les détresses du peuple, dans les détresses des campagnes qui n’ont point assez de bras, et des villes qui en ont trop, dans l’ouvrier qui n’a qu’une chambre où il manque d’air, et une industrie où il manque de travail, dans l’enfant qui va pieds nus, dans la malheureuse jeune fille que la misère ronge et que la prostitution dévore, dans le vieillard sans asile, à qui l’absence de la providence sociale fait nier la providence divine ; la question est dans ceux qui souffrent, dans ceux qui ont froid et qui ont faim. La question est là. (Oui ! oui !)

Eh bien, — socialiste moi-même, c’est aux socialistes impatients que je m’adresse, — est-ce que vous croyez que ces souffrances ne nous prennent pas le cœur ? est-ce que vous croyez qu’elles nous laissent insensibles ? est-ce que vous croyez qu’elles n’éveillent pas en nous le plus tendre respect, le plus profond amour, la plus ardente et la plus poignante sympathie ? Oh ! comme vous vous tromperiez !