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ATELIER NATIONAUX.

(Sensation.) Seulement, en ce moment, au moment où nous sommes, voici ce que nous vous disons.

Depuis le grand événement de février, par suite de ces ébranlements profonds qui ont amené des écroulements nécessaires, il n’y a plus seulement la détresse de cette portion de la population qu’on appelle plus spécialement le peuple, il y a la détresse générale de tout le reste de la nation. Plus de confiance, plus de crédit, plus d’industrie, plus de commerce ; la demande a cessé, les débouchés se ferment, les faillites se multiplient, les loyers et les fermages ne se payent plus, tout a fléchi à la fois ; les familles riches sont gênées, les familles aisées sont pauvres, les familles pauvres sont affamées.

À mon sens, le pouvoir révolutionnaire s’est mépris. J’accuse les fausses mesures, j’accuse aussi et surtout la fatalité des circonstances.

Le problème social était posé. Quant à moi, j’en comprenais ainsi la solution : n’effrayer personne, rassurer tout le monde, appeler les classes jusqu’ici déshéritées, comme on les nomme, aux jouissances sociales, à l’éducation, au bien-être, à la consommation abondante, à la vie à bon marché, à la propriété rendue facile…

Plusieurs membres. — Très bien !

De toutes parts. — Nous sommes d’accord, mais par quels moyens ?

M. Victor Hugo. — En un mot, faire descendre la richesse. On a fait le contraire ; on a fait monter la misère.

Qu’est-il résulté de là ? Une situation sombre où tout ce qui n’est pas en perdition est en péril, où tout ce qui n’est pas en péril est en question ; une détresse générale, je le répète, dans laquelle la détresse populaire n’est plus qu’une circonstance aggravante, qu’un épisode déchirant du grand naufrage.

Et ce qui ajoute encore à mon inexprimable douleur, c’est que d’autres jouissent et profitent de nos calamités. Pendant que Paris se débat dans ce paroxysme, que nos ennemis, ils se trompent ! prennent pour l’agonie, Londres est dans la joie, Londres est dans les fêtes, le commerce y a triplé, le luxe, l’industrie, la richesse s’y sont réfugiés. Oh ! ceux qui agitent la rue, ceux qui jettent le peuple sur