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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

la place publique, ceux qui poussent au désordre et à l’insurrection, ceux qui font fuir les capitaux et fermer les boutiques, je puis bien croire que ce sont de mauvais logiciens, mais je ne puis me résigner à penser que ce sont décidément de mauvais français, et je leur dis, et je leur crie : En agitant Paris, en remuant les masses, en provoquant le trouble et l’émeute, savez-vous ce que vous faites ? Vous construisez la force, la grandeur, la richesse, la puissance, la prospérité et la prépondérance de l’Angleterre. (Mouvement prolongé.)

Oui, l’Angleterre, à l’heure où nous sommes, s’assied en riant au bord de l’abîme où la France tombe. (Sensation.) Oh ! certes, les misères du peuple nous touchent ; nous sommes de ceux qu’elles émeuvent le plus douloureusement. Oui, les misères du peuple nous touchent, mais les misères de la France nous touchent aussi ! Nous avons une pitié profonde pour l’ouvrier avarement et durement exploité, pour l’enfant sans pain, pour la femme sans travail et sans appui, pour les familles prolétaires depuis si longtemps lamentables et accablées ; mais nous n’avons pas une pitié moins grande pour la patrie qui saigne sur la croix des révolutions, pour la France, pour notre France sacrée qui, si cela durait, perdrait sa puissance, sa grandeur et sa lumière, aux yeux de l’univers. (Très bien !) Il ne faut pas que cette agonie se prolonge ; il ne faut pas que la ruine et le désastre saisissent tour à tour et renversent toutes les existences dans ce pays.

Une voix. — Le moyen ?

M. Victor Hugo. — Le moyen, je viens de le dire, le calme dans la rue, l’union dans la cité, la force dans le gouvernement, la bonne volonté dans le travail, la bonne foi dans tout. (Oui ! c’est vrai !)

Il ne faut pas, dis-je, que cette agonie se prolonge ; il ne faut pas que toutes les existences soient tour à tour renversées. Et à qui cela profiterait-il chez nous ? Depuis quand la misère du riche est-elle la richesse du pauvre ? Dans un tel résultat je pourrais bien voir la vengeance des classes longtemps souffrantes, je n’y verrais pas leur bonheur. (Très bien !)

Dans cette extrémité, je m’adresse du plus profond et