Aller au contenu

Page:Hugo - Actes et paroles - volume 1.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
NOTES. — CONSEIL D’ÉTAT.

qui, selon moi, puisse être établi avec quelque chance de succès. Ne pourrait-on pas composer la commission d’appel de personnes considérables de professions diverses, parmi lesquelles se trouveraient, en certain nombre, des auteurs dramatiques élus par le suffrage de leurs confrères ?

Si ces auteurs étaient désignés par le ministre, par le directeur des beaux-arts, ils n’accepteraient sans doute pas ; mais, nommés par leurs confrères, ils accepteront. J’avais soutenu le contraire en combattant le principe de M. Souvestre ; les paroles de M. Victor Hugo m’ont fait changer d’opinion. Celui de nous qui serait élu ainsi ne verrait pas de honte à exercer les fonctions de censeur.

M. Victor Hugo. — Personne n’accepterait. Les auteurs dramatiques consentiront à exercer la censure répressive, parce que c’est une magistrature ; ils refuseront d’exercer la censure préventive, parce que c’est une police.

J’ai dit les motifs qui, à tous les points de vue, me font repousser la censure préventive ; je n’y reviens pas.

Maintenant, j’arrive à cette objection, que m’a faite M. Béhic et qu’a appuyée M. Scribe. On m’a dit qu’un grand nombre d’auteurs dramatiques pourraient se tenir, pour des motifs divers, en dehors de la corporation, et qu’alors mon but serait manqué.

Cette difficulté est grave. Je n’essayerai point de la tourner ; je l’aborderai franchement, en disant ma pensée tout entière. Pour réaliser la réforme, il faut agir vigoureusement, et mêler à l’esprit de liberté l’esprit de gouvernement. Pourquoi voulez-vous que l’état, au moment de donner une liberté considérable, n’impose pas des conditions aux hommes appelés à jouir de cette liberté ? L’état dira : — Tout individu qui voudra faire représenter une pièce sur un théâtre du territoire français pourra la faire représenter sans la soumettre à la censure ; mais il devra être membre de la société des auteurs dramatiques. — Personne, de cette manière, ne restera en dehors de la société ; personne, pas même les nouveaux auteurs, car on pourrait exiger pour l’entrée dans la société la composition et non la représentation d’une ou plusieurs pièces.

Le temps me manque ici pour dire ma pensée dans toute son étendue ; je la compléterai ailleurs et dans quelque autre occasion. Je voudrais qu’on organisât une corporation, non pas seulement de tous les auteurs dramatiques, mais encore de tous les lettrés. Tous les délits de presse auraient leur répression dans les jugements des tribunaux d’honneur de la corporation. Ne sent-on pas tous les jours l’inefficacité de la répression par les cours d’assises ?

Tout homme qui écrirait et ferait publier quelque chose serait nécessairement compris dans la corporation des gens de lettres. À la place de l’anarchie qui existe maintenant parmi nous, vous auriez une autorité ; cette autorité servirait puissamment à la gloire et à la tranquillité du pays.