M. A. de Kerdrel aîné. — Tous les démocrates ont voté contre vous. (Bruit.)
Un membre. — Qu’en savez-vous ?
M. Brives. — Il y a bien eu des démocrates qui ont voté pour M. Baroche. (Hilarité.)
M. Victor Hugo. — C’est à cause de cette profession de foi que j’ai été nommé représentant.
Cette profession de foi, c’est ma vie entière, c’est tout ce que j’ai dit, écrit et fait depuis vingt-cinq ans.
Je défie qui que ce soit de prouver que j’ai manqué à une seule des promesses de ce programme. Et voulez-vous que je vous dise qui aurait le droit de m’accuser ?… (Interruption à droite.)
Si j’avais accepté l’expédition romaine ;
Si j’avais accepté la loi qui confisque l’enseignement et qui l’a donné aux jésuites ;
Si j’avais accepté la loi de déportation qui rétablit la peine de mort en matière politique ;
Si j’avais accepté la loi contre le suffrage universel, la loi contre la liberté de la presse ;
Savez-vous qui aurait eu le droit de me dire : Vous êtes un apostat ? (Montrant la droite.) Ce n’est pas ce côté-ci (montrant la gauche) ; c’est celui-là. (Sensation). — (Très bien ! très bien !)
J’ai été fidèle à mon mandat. (Interruption.)
À droite. — Monsieur le président, c’est un nouveau discours. Ne laissez pas continuer l’orateur.
M. le président. — Votre explication est complète.
M. Victor Hugo. — Non ! j’ai à répondre aux calomnies de M. Baroche.
Cris déjà droite. — L’ordre du jour ! Assez ! ne le laissez pas achever !
À gauche. — C’est indigne ! Parlez !
M. Victor Hugo. — Quoi ! hier la violence morale, aujourd’hui la violence matérielle ! (Tumulte.)
M. le président. — Je consulte l’assemblée sur l’ordre du jour. (La droite se lève en masse.)
À gauche. — Nous protestons ! c’est un scandale odieux !
L’ordre du jour est adopté.
M. Victor Hugo. — On accuse et on interdit la défense. Je dénonce à l’indignation publique la conduite de la majorité. Il n’y a plus de tribune. Je proteste.
(L’orateur quitte la tribune. — Agitation prolongée. — Protestation à gauche.)