Page:Hugo - Actes et paroles - volume 2.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
LA DÉPORTATION.

et vous le bruit de toutes les vagues de l’océan. (Sensation profonde)

Messieurs, l’ombre et le silence de la mort pèseront sur cet effroyable bagne politique.

Rien n’en transpirera, rien n’en arrivera jusqu’à vous, rien !… si ce n’est de temps en temps, par intervalles, une nouvelle lugubre qui traversera les mers, qui viendra frapper en France et en Europe, comme un glas funèbre, sur le timbre vivant et douloureux de l’opinion, et qui vous dira : Tel condamné est mort ! (Agitation.)

Ce condamné, ce sera, car à cette heure suprême on ne voit plus que le mérite d’un homme, ce sera un publiciste célèbre, un historien renommé, un écrivain illustre, un orateur fameux. Vous prêterez l’oreille à ce bruit sinistre, vous calculerez le petit nombre de mois écoulés, et vous frissonnerez ! (Long mouvement. — À gauche : Ils riront !)

Ah ! vous le voyez bien ! c’est la peine de mort ! la peine de mort désespérée ! c’est quelque chose de pire que l’échafaud ! c’est la peine de mort sans le dernier regard au ciel de la patrie ! (Bravos répétés à gauche.)

Vous ne le voudrez pas ! vous rejetterez la loi ! (Mouvement.) Ce grand principe, l’abolition de la peine de mort en matière politique, ce généreux principe tombé de la large main du peuple, vous ne voudrez pas le ressaisir ! Vous ne voudrez pas le reprendre furtivement à la France, qui, loin d’en attendre de vous l’abolition, en attend de vous le complément ! Vous ne voudrez pas raturer ce décret, l’honneur de la révolution de février ! Vous ne voudrez pas donner un démenti à ce qui était plus même que le cri de la conscience populaire, à ce qui était le cri de la conscience humaine ! (Vive adhésion à gauche. — Murmures à droite.)

Je sais, messieurs, que toutes les fois que nous tirons de ce mot, la conscience, tout ce qu’on en doit tirer, selon nous, nous avons le malheur de faire sourire de bien grands politiques. (À droite : C’est vrai ! — À gauche : Ils en conviennent !) Dans le premier moment, ces grands politiques ne nous croient pas incurables, ils prennent pitié de nous, ils consentent à traiter cette infirmité dont nous sommes atteints, la conscience, et ils nous opposent avec