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II


LETTRE À LOUIS BONAPARTE


8 avril 1855.



Cette funèbre guerre de Crimée se termina par le baiser de la reine Victoria à « l’empereur des français ». Louis Bonaparte alla à Londres chercher ce baiser. Ce fut une sorte d’enivrement des deux gouvernements. Les fêtes après les carnages ; ces choses là s’enchaînent.

La fête fut splendide. Elle fut même complète. L’exil s’en mêla. En débarquant à Douvres, « l’empereur » put lire, affichées sur tous les murs, les paroles que voici :


VICTOR HUGO À LOUIS BONAPARTE


Qu’est-ce que vous venez faire ici ? à qui en voulez-vous ? qui venez-vous insulter ? L’Angleterre dans son peuple ou la France dans ses proscrits ? Nous en avons déjà enterré neuf, à Jersey seulement. Est-ce là ce que vous voulez savoir ? Le dernier s’appelait Félix Bony, et avait vingt-neuf ans ; cela vous suffit-il ? Voulez-vous voir son tombeau ? Que venez-vous faire ici, vous dis-je ? Cette Angleterre qui n’a point de bât sur le cou, cette France bannie, ce peuple souverain de lui-même, cette proscription décimée et calme, n’ont que faire de vous. Laissez la liberté en paix. Laissez l’exil tranquille.

Ne venez pas.