Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/161

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gé- ? D’autres qui étaient empereurs aussi, et généraux aussi, l’ont visitée avant vous, et y ont eu des ovations diversement triomphales ; vous auriez le même accueil. Irez-vous au square Trafalgar ? irez-vous au square Waterloo, au pont Waterloo, à la colonne Waterloo ? Nicolas y a été reçu par les aldermen. Irez-vous à la brasserie Perkins ? Haynau y a été reçu par les ouvriers.

Venez-vous parler à l’Angleterre de la Crimée ? Vous toucheriez là à un grand deuil. Le désastre de Sébastopol a ouvert le flanc de l’Angleterre plus profondément encore que le flanc de la France. L’armée française agonise, l’armée anglaise est morte ; ce qui, si l’on en croit ceux qui admirent vos hasards, aurait fait faire à l’un de vos historiographes cette remarque : ― Sans le vouloir, nous vengeons Waterloo. Napoléon III a fait plus de mal à l’Angleterre en un an d’alliance qu’en quinze ans de guerre Napoléon premier. (À propos, vos amis ne disent plus : le grand. Pourquoi donc ?)

Oui, vous avez de ces flatteurs-là, empereur d’occasion. C’est une chose étrange en effet que cette aventure qu’on appelle votre destinée. Les paroles manquent et l’on tombe dans un abîme de stupeur en pensant que vous en êtes peut-être vraiment venu vous-même à croire que vous êtes quelqu’un, en songeant que vous prenez votre tragédie horrible au sérieux, et que, probablement, vous vous imagineriez faire sur l’Europe je ne sais quel effet de perspective le jour où vous apparaîtriez au peuple anglais dans votre mise en scène d’à présent, muet, heureux et lugubre, debout dans votre nuée de crimes, couronné d’une sorte d’infamie impériale et mystérieuse, et portant sur votre front toutes ces actions sombres qui sont de la compétence du tonnerre.

Et de la cour d’assises, monsieur.

Ah ! ces terribles choses vraies, vous les entendrez. Pourquoi venez-vous ici ?

Tenez, parmi ceux de ce gouvernement qui, pour des raisons variées, vous font accueil, prenez le plus enthousiaste, le plus enivré, le plus effaré de vous, prenez l’anglais qui crie le mieux : Vive l’empereur ! alderman, ministre, lord, et faites-lui cette simple question : ― S’il arrivait en