Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/180

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des amnisties, le pardon à votre héroïsme, un peu de sécularisation, un peu de libéralisme, le code Napoléon, la démocratie bonapartiste, la vieille lettre à Edgar Ney, récrite en rouge avec le sang de Paris par la main qui a tué Rome ! voilà ce que vous offrent les princes ! et vous prêteriez l’oreille ! et vous diriez : contentons-nous de cela ! et vous accepteriez, et vous désarmeriez ! Et cette sombre et splendide révolution latente qui couve dans vos cœurs, qui flamboie dans vos yeux, vous l’ajourneriez ! Est-ce que c’est possible ?

Mais vous n’auriez donc nulle foi dans l’avenir ! vous ne sentiriez donc pas que l’empire va tomber demain, que l’empire tombé, c’est la France debout, que la France debout, c’est l’Europe libre ! Vous, italiens, élite humaine, nation mère, l’un des plus rayonnants groupes d’hommes que la terre ait portés, vous au-dessus desquels il n’y a rien, vous ne sentiriez pas que nous sommes vos frères, vos frères par l’idée, vos frères par l’épreuve ; que l’éclipse actuelle finira subitement pour tous à la fois ; que si demain est à nous, il est à vous ; et que, le jour où il y aura dans le monde la France, il y aura l’Italie !

Oui, le premier des deux peuples qui se lèvera fera lever l’autre. Disons mieux ; nous sommes le même peuple, nous sommes la même humanité. Vous la république romaine ; nous la république française, nous sommes pénétrés du même souffle de vie ; nous ne pouvons pas plus nous dérober, nous français, au rayonnement de l’Italie que vous ne pouvez vous soustraire, vous italiens, au rayonnement de la France. Il y a entre vous et nous cette profonde solidarité humaine d’où naîtra l’ensemble pendant la lutte et l’harmonie après la victoire. Italiens, la fédération des nations continentales sœurs et reines, et chacune couronnée de la liberté de toutes, la fraternité des patries dans la suprême unité républicaine, les Peuples-Unis d’Europe, voilà l’avenir.

Ne détournez pas un seul instant vos yeux de cet avenir magnifique. La grande solution est proche ; ne souffrez pas qu’on vous fasse une solution à part. Dédaignez ces offres de marche en avant petit à petit, tenus aux lisières par les princes. Nous sommes dans le temps de ces en-