Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/181

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jambées formidables qu’on appelle révolutions. Les peuples perdent des siècles et les regagnent en une heure. Pour la liberté comme pour le Nil, la fécondation, c’est la submersion.

Ayons foi. Pas de moyens termes, pas de compromis, pas de demi-mesures, pas de demi-conquêtes. Quoi ! accepter des concessions, quand on a le droit, et l’appui des princes, quand on a l’appui des peuples ! Il y a de l’abdication dans cette espèce de progrès-là. Non. Visons haut, pensons vrai, marchons droit. Les à peu près ne suffisent plus. Tout se fera ; et tout se fera en un pas, en un jour, en un seul éclair, en un seul coup de tonnerre. Ayons foi.

Quand l’heure de la chute sonnera, la révolution, brusquement, à pic, de son droit divin, sans préparation, sans transition, sans crépuscule, jettera sur l’Europe son prodigieux éblouissement de liberté, d’enthousiasme et de lumière, et ne laissera au vieux monde que le temps de tomber.

N’acceptez donc rien de lui. C’est un mort. La main des cadavres est froide, et n’a rien à donner.

Frères, quand on est la vieille race d’Italie, quand on a dans les veines tous les beaux siècles de l’histoire et le sang même de la civilisation, quand on n’est ni abâtardi ni dégénéré, quand on a su retrouver, le jour où on l’a voulu, tous les grands niveaux du passé, quand on a fait le mémorable effort de la constituante et du triumvirat, quand, pas plus tard qu’hier, car 1849 c’est hier, on a prouvé qu’on était Rome, quand on est ce que vous êtes, en un mot, on sent qu’on a tout en soi ; on se dit qu’on porte sa délivrance dans sa main et sa destinée dans sa volonté ; on méprise les avances et les offres des princes, et l’on ne se laisse rien donner par ceux à qui l’on a tout à reprendre.

Rappelez-vous d’ailleurs ce qu’il y a de taches de boue et de gouttes de sang sur les mains pontificales et royales.

Rappelez-vous les supplices, les meurtres, les crimes, toutes les formes du martyrologe, la bastonnade publique, la bastonnade en prison, les tribunaux de caporaux, les tribunaux d’évêques, la sacrée consulte de Rome, les