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LES DEUX TROPHÉES.

Nous éterniserons ces monuments, bâtis
Par les morts dont survit l’œuvre extraordinaire ;
Ces morts puissants jadis passaient dans le tonnerre,
Et de leur marche encore on entend les éclats,
Et les pâles vivants d’à présent sont, hélas,
Moins qu’eux dans la lumière et plus qu’eux dans la tombe.

Écoutez, c’est la pioche ! écoutez, c’est la bombe !
Qui donc fait bombarder ? qui donc fait démolir ?
Vous !

*

Vous !Le penseur frémit, pareil au vieux roi Lear
Qui parle à la tempête et lui fait des reproches.
Quels signes effrayants ! d’affreux jours sont-ils proches ?
Est-ce que l’avenir peut être assassiné ?
Est-ce qu’un siècle meurt quand l’autre n’est pas né ?
Vertige ! de qui donc Paris est-il la proie ?
Un pouvoir le mutile, un autre le foudroie.
Ainsi deux ouragans luttent au Sahara.
C’est à qui frappera, c’est à qui détruira.
Peuple, ces deux chaos ont tort ; je blâme ensemble
Le firmament qui tonne et la terre qui tremble.

*

Soit. De ces deux pouvoirs, dont la colère croît,
L’un a pour lui la loi, l’autre a pour lui le droit ;
Versailles a la paroisse et Paris la commune ;
Mais sur eux, au-dessus de tous, la France est une !
Et d’ailleurs, quand il faut l’un sur l’autre pleurer,