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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

Il fut compris de son vivant, privilège que n’eurent ni Homère, ni Eschyle, ni Shakespeare. Il n’a été ni calomnié, ni hué, ni lapidé. Pétrarque a eu sur cette terre toutes les splendeurs, le respect des papes, l’enthousiasme des peuples, les pluies de fleurs sur son passage dans les rues, le laurier d’or au front comme un empereur, le Capitole comme un dieu. Disons virilement la vérité, le malheur lui manque. Je préfère à cette robe de pourpre le bâton d’Alighieri errant. Il manque à Pétrarque cet on ne sait quoi de tragique qui ajoute à la grandeur des poëtes une cime noire, et qui a toujours marqué le plus haut sommet du génie. Il lui manque l’insulte, le deuil, l’affront, la persécution. Dans la gloire Pétrarque est dépassé par Dante, et le triomphe par l’exil.