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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

rouce et nous entraîne. Souvent, autour de nous, tout est l’ennemi ; la femme, c’est l’amie. Ah ! protégeons-la. Rendons-lui ce qui lui est dû. Donnons-lui dans la loi la place qu’elle a dans le droit. Honorons, ô citoyens, cette mère, cette sœur, cette épouse. La femme contient le problème social et le mystère humain. Elle semble la grande faiblesse, elle est la grande force. L’homme sur lequel s’appuie un peuple a besoin de s’appuyer sur une femme. Et le jour où elle nous manque, tout nous manque. C’est nous qui sommes morts, c’est elle qui est vivante. Son souvenir prend possession de nous. Et quand nous sommes devant sa tombe, il nous semble que nous voyons notre âme y descendre et la sienne en sortir. (Vive émotion.)

Vous voilà seul, ô Louis Blanc.

Ô cher proscrit, c’est maintenant que l’exil commence.

Mais j’ai foi dans votre indomptable courage. J’ai foi dans votre âme illustre. Vous vaincrez. Vous vaincrez même la douleur.

Vous savez bien que vous vous devez à la grande dispute du vrai, au droit, à la république, à la liberté. Vous savez bien que vous avez en vous l’unique mandat impératif, celui qu’aucune loi ne peut supprimer, la conscience. Vous dédierez à votre chère morte les vaillants efforts qui vous restent à faire. Vous vous sentirez regardé par elle. Ô mon ami, vivez, pleurez, persévérez. Les hommes tels que vous sont privilégiés dans le sens redoutable du mot ; ils résument en eux la douleur humaine ; le sort leur fait une poignante et utile ressemblance avec ceux qu’ils doivent protéger et défendre ; il leur impose l’affront continuel afin qu’ils s’intéressent à ceux que l’on calomnie ; il leur impose le combat perpétuel afin qu’ils s’intéressent à tous ceux qui luttent ; il leur impose le deuil éternel afin qu’ils s’intéressent à tous ceux qui souffrent ; comme si le mystérieux destin voulait, par cet incessant rappel à l’humanité, leur faire mesurer la grandeur de leur devoir à la grandeur de leur malheur. (Acclamation.)