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DEPUIS L’EXIL. — 1876.

terrible qu’on appelle la guerre. La force s’imagine qu’elle est le droit ; ici, on mutile la France, c’est-à-dire la civilisation ; là, on poignarde la Serbie, c’est-à-dire l’humanité. À cette heure, il y a un gouvernement, qui est un bandit, assis sur un peuple, qui est un cadavre.

Certes les monarchies ne le font pas exprès, mais elles démontrent la nécessité de la république.

La monarchie impériale aboutit à Sedan ; la monarchie pontificale aboutit au Syllabus. Le Syllabus, je l’ai dit et je le répète, c’est toute la quantité de bûcher possible au dix-neuvième siècle. Au moment où nous sommes, ce qui sort de l’autel, ce n’est pas la prière, c’est la menace ; l’oraison est coupée par ce hoquet farouche : Anathème ! anathème ! Le prêtre bénit à poing fermé. On refuse aux cercueils ce qui leur est dû ; on ajoute à la violation du respect la violation de la loi ; on méconnaît ce qu’il y a de mystérieux et de vénérable dans la volonté du mourant ; on choisit, pour insulter la philosophie et la raison, l’instant où la liberté de la conscience s’appuie sur la majesté de la mort.

Qui fait ces choses audacieuses ? Le vieil esprit sacerdotal et monarchique. Ici la conquête, là le massacre, là l’intolérance ; le mensonge épousant la nuit, la haine de trône à trône engendrant la guerre de peuple à peuple, tel est le spectacle. Où la démocratie dit : Paix et liberté ! le despotisme dit : Carnage et servitude ! De là les crimes qui aujourd’hui épouvantent l’Europe. Admirons la manière dont les monarchies s’y prennent pour montrer les beautés de la république : elles montrent leurs laideurs.

Tant que les fanatismes et les despotismes seront les maîtres, l’Europe sera difforme et terrible. Mais espérons. Que prouvent les carcans et les chaînes ? qu’il faut que les peuples soient libres. Que prouvent les sabres et les mitrailles ? qu’il faut que les peuples soient frères. Que prouvent les sceptres ? qu’il faut des lois.

Les lois, les voici : liberté de pensée, liberté de croyance,