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LE DÎNER D’HERNANI.

Plusieurs salves d’applaudissements ont suivi le discours de Victor Hugo. Tous les convives étaient debout, saluant et acclamant le poète.

M. Émile Perrin s’est alors levé et a dit :

Messieurs,

Puisque cet honneur m’est réservé de répondre à l’hôte illustre qui nous a conviés, puisque je dois prendre la parole après la voix que vous venez d’entendre, devant vous, messieurs, qui représentez ici une des gloires de notre pays, une de ses forces les plus expansives, l’art dramatique en France, vous, ses auteurs, ses interprètes et ses juges, permettez-moi de parler au nom de la Comédie-Française. C’est au nom de tout ce qui constitue notre maison, au nom de ses souvenirs, de son présent, de son avenir, au nom de ses grands poètes qui ont fondé son existence et formé son patrimoine, au nom de cette longue suite d’artistes célèbres qui sont les ancêtres et les conseillers de ceux d’aujourd’hui, que je vous demande, messieurs, de porter ce toast à M. Victor Hugo. (Applaudissements.)

De cette vie si prodigieusement remplie, je ne veux ici retenir qu’un jour ; dans cette œuvre immense si multiple, si fortement mêlée à l’art de notre temps qu’elle en semble, à elle seule, l’expression vivante (bravos), je ne veux ici relever qu’une date.

Le 25 février 1830, il y aura bientôt quarante-huit ans, la Comédie-Française avait l’honneur de représenter pour la première fois Hernani. Un demi-siècle a passé sur cette œuvre d’abord si passionnément contestée et qui souleva tant de tempêtes. Aujourd’hui, elle est entrée dans la région sereine des chefs-d’œuvre. Elle est devenue classique à son tour, car la postérité a commencé pour elle, et la voilà à mi-chemin de son premier centenaire (Applaudissements.) Dans cinquante ans, aux jours des glorieux anniversaires, on jouera Hernani comme on joue le Cid et les Horaces. Ils sont tous trois d’une même famille, frères par la mâle fierté des sentiments, frères par l’incomparable splendeur du langage. (Bravos prolongés.)

Dans cinquante ans, messieurs, bien peu de nous pourront avoir le bonheur d’applaudir Hernani. Mais une génération nouvelle se chargera de ce soin ; elle s’y empressera comme ses aînées, et son cœur battra comme le nôtre, animé du même enthousiasme, de la même ardeur.

En portant ce toast à Victor Hugo, à l’auteur d’Hernani, je bois, messieurs, à l’immortelle jeunesse du génie… (Bravos.)