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DEPUIS L’EXIL.

et, si nous accueillons avec une émotion reconnaissante les témoignages d’admiration et de respect que lui envoient à l’envi tous les peuples, cependant la France justement orgueilleuse le revendique ; elle se glorifie en lui et s’illustre elle-même en lui faisant aujourd’hui des funérailles nationales.

Dans le concert d’hommages qui monte vers Victor Hugo, le gouvernement réclame l’honneur de faire entendre sa voix. Ce ne peut être ni pour retracer sa carrière, ni pour résumer son œuvre immense, encore moins pour le louer comme il convient. Il semble, à la première vue, que cette œuvre soit si multiple et si grande, la carrière si vaste et si diverse, qu’il faille pour une pareille tâche autant d’orateurs que son art a compté de genres et qu’il y a de phases diverses dans son existence.

Roman, poëme, drame, histoire, philosophie, il a tout abordé ; et son rôle politique et social n’est pas moins considérable que celui qu’il a occupé dans la littérature moderne.

Et pourtant, messieurs, ce que je voudrais pouvoir montrer ici, comme je le sens, c’est l’unité du plan qui a présidé à cette vie et à cette œuvre, si complexe en apparence.

Je ne sais s’il est vrai que notre siècle portera son nom et qu’on dira : « le siècle de Victor Hugo » comme on a dit le « siècle de Voltaire » ; mais ce qui nous apparaît dès aujourd’hui avec une pleine certitude, c’est qu’il en restera la plus haute personnification, parce qu’il est celui qui résume le mieux l’histoire de ce siècle, ses contradictions et ses doutes, ses idées et ses aspirations.

Victor Hugo en a été le témoin attentif et passionné. Il en a vu et jugé les événements avec son génie, il en a suivi toutes les évolutions ; ébloui d’abord par les gloires éphémères des premières années, séduit par la résurrection de la Liberté que l’ancienne monarchie semblait ramener avec elle, progressant vers la démocratie avec la royauté de juillet, maudissant et frappant d’une condamnation inexorable l’Empire qui, pour la seconde fois, venait faire violence à ce grand mouvement, jaloux de demeurer exilé pour rendre sa protestation plus forte, trouvant enfin dans la République triomphante le refuge et le couronnement de sa vie.

Dans cette longue et constante ascension, son œuvre l’accompagne. Poëte, Victor Hugo n’a pas seulement chanté ce que chantent les poëtes. Il ne s’est pas contenté de célébrer les harmonies de la nature, les joies et les tristesses humaines ; il ne s’est pas uniquement appliqué à disséquer son cœur pour en exprimer toutes les voluptés et les amertumes de la jeunesse en proie à la passion et au doute. Combien son œuvre est plus virile, plus haute et plus impersonnelle !

Ce n’est pas en lui tout d’abord, c’est autour de lui qu’il regarde, curieux de notre passé, habile à restituer les souvenirs des temps