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DEPUIS L’EXIL.

supérieure. Il faut qu’il jette sur ses contemporains le tranquille regard que l’histoire jette sur le passé. Il faut qu’il sache se maintenir au-dessus du tumulte, inébranlable, austère et bienveillant, sachant être tout à la fois irrité comme homme et calme comme poëte. »

Ce rôle grandiose, Victor Hugo l’a rempli en effet. Il a été le grand justicier de son temps. Il a été aussi le témoin auguste de la marche de ce siècle « que mène un noble instinct… »

Où le bruit du travail, plein de parole humaine,
Se mêle au bruit divin de la création.

Victor Hugo est l’homme de notre temps qui a le mieux compris, le plus aimé l’humanité dans l’ensemble et dans l’individu. Charitable avant tout aux petits, aux humbles, aux opprimés, aucune misère morale ou physique, le vice même ni le crime, ne peuvent rebuter sa magnanimité, et l’amélioration de la nature humaine, contre les destinées de l’humanité tout entière, fait l’objet principal de sa contemplation.

« Dans ses drames, vers et prose, pièces et romans, le poëte, a-t-il dit, mettra l’histoire et l’invention, la vie des peuples et des individus… il relèvera partout la dignité de la créature humaine en faisant voir qu’au fond de tout homme, si désespéré et si perdu qu’il soit, Dieu a mis une étincelle qu’un souffle d’en haut peut toujours raviver, que la cendre ne cache point, que la fange même n’éteint pas : l’âme ! »

Et maintenant, si l’on demande où est le lien de cette œuvre et de cette vie, ce qui en fait l’unité, je répondrai, avec ses propres vers :

Qu’il fut toujours celui
Qui va droit au devoir dès que l’honnête a lui,
Qui veut le bien, le vrai, le beau, le grand, le juste.

Messieurs, c’est par ce côté profondément humain de sa nature que Victor Hugo a mérité d’être considéré comme le citoyen de toutes les nations.

C’est par là aussi qu’il s’est élevé à cette idée de Dieu qui emplit tout son ouvrage. Il croyait à l’âme immortelle. Le génie a des lumières supérieures. Peut-être a-t-il connu la vérité ? Nous qui demeurons, nous savons seulement qu’il avait conquis l’immortalité sur la terre, et c’est pourquoi nous le conduisons aujourd’hui avec ce cortège triomphal dans le temple que la Révolution française avait consacré aux grands hommes.

N’était-il pas juste et nécessaire, en effet, qu’il fût rouvert par