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DEPUIS L’EXIL.
DISCOURS DE M. ÉMILE AUGIER
au nom de l’académie française
Messieurs,

Le grand poëte que la France vient de perdre voulait bien m’accorder une place dans son amitié ; c’est à quoi j’ai dû l’honneur d’être choisi par l’Académie française pour apporter ici l’expression d’une douleur partagée par l’Institut tout entier.

Mais qu’est-ce que notre deuil de famille devant le deuil national qui fait cortège à notre illustre confrère ?

Toute la France est là, cette France dont Victor Hugo restait après nos désastres le plus légitime orgueil et la plus fière consolation, car il l’a dit lui-même :

Rien de ces noirs débris ne sort que toi, pensée.
Poésie immortelle, à tous les vents bercée.

Et la sienne est immortelle en effet !

Faut-il vous parler de l’éclat incomparable de son œuvre ? de cette imagination merveilleuse, de cette magnificence de style, de cette hauteur de pensée qui font de lui un maître sans pareil ? Ses droits à l’admiration des siècles sont proclamés plus éloquemment que je ne le saurais faire par cette cérémonie sans précédent, par cette affluence de populations accourues des quatre points cardinaux à ce pèlerinage du Génie.

Grand et salutaire spectacle, messieurs. Il est juste, il est beau qu’une patrie rende en honneurs à ses fils ce qu’elle reçoit d’eux en illustration.

Au souverain poëte, la France rend aujourd’hui les honneurs souverains.

Elle dresse son catafalque sous cet Arc de Triomphe qu’il a chanté et sous lequel jusqu’ici elle n’avait encore fait passer qu’un triomphateur, celui qu’elle a entre tous surnommé le Grand.

Elle n’est pas prodigue de ce beau surnom. Elle en fait presque l’apanage exclusif des conquérants. Il n’y avait qu’un poëte couronné par elle de cette auréole : il y en aura deux désormais, et comme on dit le Grand Corneille, on dira le Grand Hugo.

Il y a dans la plus haute renommée une partie caduque dont elle se dégage par la mort.

Il semble alors qu’elle s’élance avec l’âme du mourant, secouant