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VISITE À LA STATUE DE LA LIBERTÉ.

monieuse. — Victor Hugo a gravi lestement deux des étages intérieurs de la statue.

— Je peux bien monter les dix ! fait-il en riant.

C’est Mme Lockroy qui l’en empêche : — Non, dit-elle avec sa bonne grâce charmante, je serais fatiguée.

— Claude Frollo, disons-nous à Victor Hugo, se tuerait tout aussi bien en tombant de là-haut que précipité des tours de Notre-Dame.

Avant de partir, debout devant cette gigantesque image de la Liberté, le poète reste un moment comme en contemplation, voyant devant lui se dresser un gage immense de ce qu’il a toujours rêvé : l’union.

Il est là, silencieux, les mains dans ses poches, comme s’il était seul. Puis, d’une voix forte, lentement, il dit en regardant la statue colosse, — ces deux cent mille kilos de métal qui feront face à la France, là-bas :

La mer, cette grande agitée, constate l’union des deux grandes terres, apaisées.

Et comme quelqu’un le prie de dicter ces mots lapidaires, qu’on veut garder, il ajoute doucement, vraiment ému devant cette image de fer et de cuivre de la concorde :

— Oui, cette belle œuvre tend à ce que j’ai toujours aimé, appelé : la paix. Entre l’Amérique et la France — la France qui est l’Europe — ce gage de paix demeurera permanent. Il était bon que cela fût fait.

Ensuite, saluant, salué, appuyé au bras de Mme Lockroy et suivi de sa petite-fille, Victor Hugo regagne sa voiture, emportant le fragment de la statue, sur lequel M. Bartholdi a fait graver en hâte la date de cette journée, le souvenir de cette glorieuse visite, avec cette inscription :

à victor hugo
Les Travailleurs de l’Union franco-américaine
Fragment de la statue colossale de la Liberté
présenté à l’illustre apôtre
de la Paix, de la Liberté, du Progrès
victor hugo
le jour où il a honoré de sa visite
l’œuvre de l’Union franco-américaine.
29 novembre 1884