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MORT DE VICTOR HUGO.

Il était mort dans la maison devant laquelle, il y a quatre ans, six cent mille personnes étaient venues le saluer, debout à sa fenêtre, nu-tête malgré l’hiver, portant ses soixante-dix-neuf ans comme les chênes portent leurs branches. Une foule égale va venir l’y chercher ; mais elle ne l’y trouvera plus debout.

Il est couché, immobile, pâle comme le marbre, la figure profondément sereine. On se dit qu’il est immortel, qu’il est plus vivant que les vivants, et l’on en a la preuve dans ce grand cri de douloureuse admiration qui retentit d’un bout du monde à l’autre ; on se dit que c’est beau d’être pleuré par un peuple, et pas par un seul ; mais n’importe, le voir là gisant, pour ceux dont la vie a été pendant cinquante ans mêlée à la sienne, c’est bien triste. — Auguste Vacquerie.


La nouvelle de la maladie de Victor Hugo ne s’était répandue que dans la journée du dimanche. Mais, à partir de ce moment, elle avait été l’unique pensée de Paris.

Le lundi 18 mai, les journaux publiaient ce premier bulletin :

« Victor Hugo, qui souffrait d’une lésion du cœur, a été atteint d’une congestion pulmonaire.

« Germain Sée.
« Dr Émile Allix. »

Le mardi, il y eut une consultation des docteurs Vulpian, Germain Sée et Émile Allix. Ils rédigèrent le bulletin suivant :

« L’état ne s’est pas modifié d’une manière notable. De temps à autre, accès intenses d’oppression. »

Les bulletins se succédèrent ainsi chaque jour, signalant tantôt des syncopes alarmantes, tantôt un calme relatif et quelque tendance à l’amélioration. Paris, on pourrait dire la France entière, a passé, avec les amis et les proches, par des alternatives de crainte et d’espérance et a suivi, heure par heure, les péripéties de la maladie.

Le soir, sur les boulevards, on s’arrachait les journaux pour y chercher les bulletins et les nouvelles. À chaque instant, des voitures s’arrêtaient devant le petit hôtel de l’avenue Victor-Hugo ; des personnalités parisiennes, des étrangers, descendaient, s’informaient avec anxiété, s’inscrivaient ou déposaient leur carte. Sur les trottoirs, autour de la maison, toute une foule attendait.