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DEPUIS L’EXIL.

que doit être le caractère de cette fête, lorsqu’ils ont appelé à y concourir des hommes appartenant à des opinions diverses. Que la pratique de la vie publique donne naissance à des divisions profondes, il ne faut ni s’en étonner ni s’en plaindre ; la justice et la vérité ont plus à y gagner qu’à y perdre. Mais c’est la puissance du génie employé au bien, de réunir dans un même sentiment d’admiration reconnaissante les hommes qui, sous d’autres rapports, auraient le plus de peine à s’accorder, et rien n’est plus propre à mettre en relief cette puissance que des solennités semblables à celle d’aujourd’hui.

« L’idée d’union est, en effet, inséparable de toute grande fête.

« C’est cette idée qu’exprimaient dans la Grèce antique les fêtes de Minerve, de Cérès, de Bacchus, et ces jeux célèbres dont les Grecs firent le signal de la trêve olympique, et qui étaient considérés comme un lien presque aussi fort que la race et le langage.

« C’est cette idée d’union qui rendit si touchante la plus mémorable des fêtes de la Révolution française : la Fédération. Assez de jours dans l’année sont donnés à ce qui sépare les hommes ; il est bon qu’on donne quelques heures à ce qui les rapproche. Et quelle plus belle occasion pour cela que la fête de celui qui est, en même temps qu’un poëte sans égal, le plus éloquent apôtre de la fraternité humaine ! Car, si grand que soit le génie de Victor Hugo, il y a quelque chose de plus grand encore que son génie, c’est l’emploi qu’il en a fait, et l’unité de sa vie est dans l’ascension continuelle de son esprit vers la lumière. »

M. Coquelin dit alors, ces belles strophes de Théodore de Banville :

Père ! doux au malheur, au deuil, à la souffrance !
À l’ombre du laurier dans la lutte conquis,
Viens sentir sur tes mains le baiser de la France,
Heureuse de fêter le jour où tu naquis !

Victor Hugo ! la voix de la Lyre étouffée
Se réveilla par toi, plaignant les maux soufferts,