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BUG-JARGAL.
Il tomba les jambes repliées. (Page 42.)
Il tomba les jambes repliées. (Page 42.)

Biassou l’interrompit en ricanant.

« Ha ! ha ! je suis charmé de voir en toi un ami de notre cause. En ce cas, tu dois détester les misérables colons qui ont puni notre juste insurrection par les plus cruels supplices ; tu dois penser avec nous que ce ne sont pas les noirs, mais les blancs qui sont les véritables rebelles, puisqu’ils se révoltent contre la nature et l’humanité : tu dois exécrer ces monstres !

— Je les exècre ! répondit C***.

— Eh bien ! poursuivit Biassou, que penserais-tu d’un homme qui aurait, pour étouffer les dernières tentatives des esclaves, planté cinquante têtes de noirs des deux côtés de l’avenue de son habitation ? »

La pâleur de C*** devint effrayante.

« Que penserais-tu d’un blanc qui aurait proposé de ceindre la ville du Cap d’un cordon de têtes d’esclaves ?…

— Grâce ! grâce ! dit le citoyen général terrifié.

— Est-ce que je te menace ? reprit froidement Biassou. Laisse-moi achever… D’un cordon de têtes qui environnât la ville du fort Picolet au cap Caracol ! Que penserais-tu de cela, hein ? réponds ! »

Le mot de Biassou : Est-ce que je te menace ? avait rendu quelque espérance à C*** ; il songea que peut-être le chef savait ces horreurs sans en connaître l’auteur, et répondit avec quelque fermeté, pour prévenir toute présomption qui lui fut contraire :

« Je pense que ce sont des crimes atroces. »