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BUG-JARGAL.
L’infortuné sentit la pointe de fer. (Page 52.)
L’infortuné sentit la pointe de fer. (Page 52.)

Biassou ricanait.

« Bon ! Et quel châtiment infligerais-tu au coupable ? »

Ici le malheureux C*** hésita.

« Eh bien ! reprit Biassou, es-tu l’ami des noirs ou non ? »

Des deux alternatives, le négrophile choisit la moins menaçante ; et, ne remarquant rien d’hostile pour lui-même dans les yeux de Biassou, il dit d’une voix faible :

« Le coupable mérite la mort.

— Fort bien répondu, » dit tranquillement Biassou en jetant le tabac qu’il mâchait.

Cependant son air d’indifférence avait rendu quelque assurance au pauvre négrophile ; il fit un effort pour écarter tous les soupçons qui pouvaient peser sur lui :

« Personne, s’écria-t-il, n’a fait de vœux plus ardents que les miens pour le triomphe de votre cause. Je corresponds avec Brissot et Pruneau de Pomme-Gouge, en France ; Magaw, en Amérique ; Peter Paulus, en Hollande ; l’abbé Tamburini, en Italie… »

Il continuait d’étaler complaisamment cette litanie philanthropique, qu’il récitait volontiers, et qu’il avait notamment débitée en d’autres circonstances et dans un autre but chez M. de Blanchelande, quand Biassou l’arrêta.

« Hé ! que me font à moi tous tes correspondants ? Indique-moi seulement où sont tes magasins, tes dépôts : mon armée a besoin de munitions. Tes plantations sont sans doute riches, ta maison de commerce doit être forte, puisque