Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/156

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Mal, bien, tel est le triste et difforme mélange.
Le bien est un linceul en même temps qu’un lange ;
Si le mal est sépulcre, il est aussi berceau ;
Ils naissent l’un de l’autre, et la vie est leur sceau.
Les philosophes pleins de crainte ou d’espérance
Songent et n’ont entre eux pas d’autre différence,
En révélant l’éden, et même en le prouvant,
Que le voir en arrière ou le voir en avant.
Les sages du passé disent : — L’homme recule ;
Il sort de la lumière, il entre au crépuscule,
L’homme est parti de tout pour naufrager dans rien.
Ils disent : bien et mal. Nous disons : mal et bien.

Mal et bien, est-ce là le mot ? le chiffre unique ?
Le dogme ? est-ce d’Isis la dernière tunique ?
Mal et bien, est-ce là toute la loi ? — La loi !
Qui la connaît ? Quelqu’un parmi nous, hors de soi
Comme en soi, sous l’amas de farts, d’époques, d’âges,
A-t-il percé ce gouffre et fait ces grands sondages ?
Quelqu’un démêle-t-il le germe originel ?
Quelqu’un voit-il le point extrême du tunnel ?
Quelqu’un voit-il la base et voit-il la toiture ?
Avons-nous seulement pénétré la nature ?
Qu’est-ce que la lumière et qu’est-ce que l’aimant ?
Qu’est le cerveau ? de quoi se fait le mouvement ?
D’où vient que la chaleur manque aux rayons de lune ?
O nuit, qu’est-ce qu’une âme ? un astre en est-il une ?
Le parfum est-il l’âme errante du pistil ?