Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/296

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Et pour qu’à son beau nom il ajoute un beau sort.
Il faut laisser entrer les autres quand on sort ;
L’aigle laisse envoler l’aiglon ; et que l’arbuste
Ne soit pas étouffé par le chêne, c’est juste.

Le sinistre vieillard sourit superbement,
Et me dit : — La ruine aime l’isolement.
Si je fus grand jadis, il me sied de m’en taire.
Les gens sont curieux de voir un homme à terre.
Vous m’avez vu, c’est bien. Pas de mots superflus.
Je ne connais personne et je n’existe plus.
Allez-vous-en.

— Mais quoi ! dis-je, cette jeune aile
N’est pas faite, ô vieillard, pour la nuit éternelle.
L’enfant sans avenir laisse au père un remord.

Il répondit : — J’entends dire, moi qui suis mort,
De vous autres vivants, des choses misérables ;
Que chez vous le triomphe est aux inexorables,
Que les hommes en sont encore au talion,
Qu’ils trouvent le renard plus grand que le lion,
Que leur vérité louche et que leur raison boite,
Et qu’on fusille à gauche et qu’on mitraille à droite,
Et qu’au milieu du sang, de l’horreur et des cris,
C’est un forfait d’offrir un asile aux proscrits.
Est-ce vrai ? je le crains. Est-ce faux ? je l’espère.
Mais laissez-moi, je suis honnête en mon repaire.