Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/295

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Ce cadavre d’église au fond du noir fossé,
Et je continuai ma route vers la cime.
J’arrivai. Je parvins au burg fauve et sublime.
Même en plein jour, une ombre effrayante est dessus.
Sur la brèche qui sert de porte, j’aperçus
Au pied des larges tours qu’un haut blason surmonte,
Un grand vieux paysan pensif, c’était le comte.

Cet homme était assis ; au bruit que fit mon pas,
Grave, il tourna la tête et ne se leva pas.
Il avait près de lui son fils, un enfant rose.
Saluer un vaincu, c’est déjà quelque chose,
Je saluai ce comte aboli. Je lui dis :
— Vous voilà pauvre, vous qui fûtes grand jadis.
Comte, je viens à vous d’une façon civile.
Donnez-moi votre fils pour qu’il vienne à la ville.
Redevenir sauvage est bon pour le vieillard
Et mauvais pour l’enfant ; l’aube craint le brouillard ;
La rose meurt dans l’ombre où se plaît la chouette.
Certe, avoir sur le front l’altière silhouette
De ces tours qu’aujourd’hui garde la ronce en fleur,
C’est beau ; mais habiter dans son siècle est meilleur.
Votre fils s’éteindrait dans ces brumes, vous dis-je.
Le monstre est dans nos temps à côté du prodige ;
Mais le prodige est sûr de vaincre. Donnez-nous,
O sombre aïeul, l’enfant charmant, farouche et doux,
Pour qu’il aille à Paris comme on allait à Rome,
Pour que, ne pouvant plus être comte, il soit homme,