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Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/63

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N’eussent point accepté de vaincre de la sorte ;
Car la soif conquérante était en eux moins forte
Que la pudeur guerrière, et tous avaient au cœur
Le désir d’être grand plus que d’être vainqueur.
Vous, princes, vous semez, de Sedan à Versailles,
Dans votre route obscure à travers les broussailles,
Toutes sortes d’exploits louches et singuliers
Dont se fût indignée au temps des chevaliers
La magnanimité farouche de l’épée.

Rois, la guerre n’est pas digne de l’épopée
Lorsqu’elle est espionne et traître, et qu’elle met
Une cocarde au vol, à la fraude un plumet !
Guillaume est empereur, Bismarck est trabucaire ;
Charlemagne à sa droite assoit Robert-Macaire ;
On livre aux mameloucks, aux pandours, aux strélitz,
Aux reîtres, aux hulans, la France d’Austerlitz ;
On en fait son butin, sa proie et sa prébende.
Où fut la grande armée on est l’énorme bande.

                          *

Ivres, ils vont au gouffre obscur qui les attend.
Ainsi l’ours, à vau-l’eau sur le glacier flottant,
Ne sent pas sous lui fondre et crouler la banquise.

Soit, princes. Vautrez-vous sur la France conquise.