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                      VIII

Qu’on ne s’y trompe pas, je n’ai jamais caché
Que j’étais sur l’énigme éternelle penché ;
Je sais qu’être à demi plongé dans l’équilibre
De la terre et des cieux, nous fait l’âme plus libre ;
Je sais qu’en s’appuyant sur l’inconnu, l’on sent
Quelque chose d’immense et de bon qui descend,
Et qu’on voit le néant des rois, et qu’on résiste
Et qu’on lutte et qu’on marche avec un cœur moins triste ;
Je sais qu’il est d’altiers prophètes qu’un danger
Tente, et que l’habitude auguste de songer,
De méditer, d’aimer, de croire, et d’être en somme
A genoux devant Dieu, met debout devant l’homme ;
Certes, je suis courbé sous l’infini profond.
Mais le ciel ne fait pas ce que les hommes font ;
Chacun a son devoir et chacun a sa tâche ;
Je sais aussi cela. Quand le destin est lâche,
C’est à nous de lui faire obstacle rudement,
Sans aller déranger l’éclair du firmament,
Et j’attends, pour le vaincre, un moins grand phénomène
Du tonnerre divin que de la foudre humaine.