Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/186

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du sillage, aux folles ventes, se tenait constamment, de peur d’aventure, à quelque quart de vent de la côte qu’il longeait, et surtout maintenait l’angle de la girouette avec la quille plus ouvert que l’angle de la voilure, le rumb de vent indiqué par la boussole étant toujours douteux, à cause de la petitesse du compas de route. Sa prunelle, imperturbablement baissée, examinait toutes les formes que prenait l’eau.

Une fois pourtant il leva les yeux vers l’espace et tâcha d’apercevoir les trois étoiles qui sont dans le baudrier d’Orion ; ces étoiles se nomment les trois Mages, et un vieux proverbe des anciens pilotes espagnols dit : Qui voit les trois mages n’est pas loin du sauveur.

Ce coup d’œil du patron au ciel coïncida avec cet aparté grommelé à l’autre bout du navire par le vieillard :

— Nous ne voyons pas même la Claire des Gardes, ni l’astre Antarès, tout rouge qu’il est. Pas une étoile n’est distincte.

Aucun souci parmi les autres fugitifs.

Toutefois, quand la première hilarité de l’évasion fut passée, il fallut bien s’apercevoir qu’on