Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les comprachicos étaient plutôt une association qu’une peuplade, plutôt un résidu qu’une association. C’était toute la gueuserie de l’univers ayant pour industrie un crime. C’était une sorte de peuple arlequin composé de tous les haillons. Affilier un homme, c’était coudre une loque.

Errer était la loi d’existence des comprachicos. Apparaître, puis disparaître. Qui n’est que toléré ne prend pas racine. Même dans les royaumes où leur industrie était pourvoyeuse des cours, et, au besoin, auxiliaire du pouvoir royal, ils étaient parfois tout à coup rudoyés. Les rois utilisaient leur art et mettaient les artistes aux galères. Ces inconséquences sont dans le va-et-vient du caprice royal. Car tel est notre plaisir.

Pierre qui roule et industrie qui rôde n’amassent pas de mousse. Les comprachicos étaient pauvres. Ils auraient pu dire ce que disait cette sorcière maigre et en guenilles voyant s’allumer la torche du bûcher : « Le jeu n’en vaut pas la chandelle. » Peut-être, probablement même, leurs chefs, restés inconnus, les entrepreneurs en grand du commerce des enfants, étaient riches. Ce point, après deux siècles, serait malaisé à éclaircir.