Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/109

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Ce n’est point une posture mauvaise pour de certaines âmes reptiles.

De certains chemins ne sont faisables qu’à plat ventre. Une domesticité obscure, mais nourrissante, fut longtemps toute l’existence de Barkilphedro. La domesticité, c’est quelque chose, mais il voulait de plus la puissance. Il allait peut-être y arriver quand Jacques II tomba. Tout était à recommencer. Rien à faire sous Guillaume III, maussade, et ayant dans sa façon de régner une pruderie qu’il croyait de la probité. Barkilphedro, son protecteur Jacques détrôné, ne fut pas tout de suite en guenilles. Un je ne sais quoi qui survit aux princes déchus alimente et soutient quelque temps leurs parasites. Le reste de sève épuisable fait vivre deux ou trois jours au bout des branches les feuilles de l’arbre déraciné ; puis tout à coup la feuille jaunit et sèche, et le courtisan aussi.

Grâce à cet embaumement qu’on nomme légitimité, le prince, lui, quoique tombé et jeté au loin, persiste et se conserve ; il n’en est pas de même du courtisan, bien plus mort que le roi. Le roi là-bas est momie, le courtisan ici est fan-