Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/168

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Les chenapans vulgaires font soigneusement le scenario de la coquinerie qu’ils veulent commettre. Ils ne se sentent pas assez forts pour saisir l’incident au passage, pour en prendre possession de gré ou de force, et pour le contraindre à les servir. De là des combinaisons préliminaires que les méchants profonds dédaignent. Les méchants profonds ont pour tout a priori leur méchanceté ; ils se bornent à s’armer de toutes pièces, préparent plusieurs en-cas variés, et, comme Barkilphedro, épient tout bonnement l’occasion. Ils savent qu’un plan façonné d’avance court risque de mal s’emboîter dans l’événement qui se présentera. On ne se rend pas comme cela maître du possible et l’on n’en fait point ce qu’on veut. On n’a point de pourparler préalable avec la destinée. Demain ne nous obéit pas. Le hasard a une certaine indiscipline.

Aussi le guettent-ils pour lui demander sans préambule, d’autorité, et sur-le-champ, sa collaboration. Pas de plan, pas d’épure, pas de maquette, pas de soulier tout fait chaussant mal l’inattendu. Ils plongent à pic dans la noirceur. La mise à profit immédiate et rapide du fait quel-