Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/214

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tant un cadavre, un être, un peu moins petit qu’elle, l’avait ramassée ; que cet être, éliminé et comme enseveli sous le sombre refus universel, avait entendu son cri ; que, tous étant sourds pour lui, il n’avait pas été sourd pour elle ; que cet enfant, isolé, faible, rejeté, sans point d’appui ici-bas, se traînant dans le désert, épuisé de fatigue, brisé, avait accepté des mains de la nuit ce fardeau, un autre enfant ; que lui, qui n’avait point de part à attendre dans cette distribution obscure qu’on appelle le sort, il s’était chargé d’une destinée ; que, dénûment, angoisse et détresse, il s’était fait providence ; que, le ciel se fermant, il avait ouvert son cœur ; que, perdu, il avait sauvé ; que, n’ayant pas de toit ni d’abri, il avait été asile ; qu’il s’était fait mère et nourrice ; que, lui qui était seul au monde, il avait répondu au délaissement par une adoption ; que, dans les ténèbres, il avait donné cet exemple ; que, ne se trouvant pas assez accablé, il avait bien voulu de la misère d’un autre par surcroît ; que sur cette terre où il semblait qu’il n’y eût rien pour lui, il avait découvert le devoir ; que là où tous eussent hésité, il avait avancé ; que là où