Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le passé, le peu qu’ils en avaient du moins, n’existait point pour Gwynplaine et Dea. Ils en savaient ce qu’Ursus leur en avait dit. Ils appelaient Ursus « Père ».

Gwynplaine n’avait souvenir de son enfance que comme d’un passage de démons sur son berceau. Il en avait une impression comme d’avoir été trépigné dans l’obscurité sous des pieds difformes. Était-ce exprès, ou sans le vouloir ? il l’ignorait. Ce qu’il se rappelait nettement, et dans les moindres détails, c’était la tragique aventure de son abandon. La trouvaille de Dea faisait pour lui de cette nuit lugubre une date radieuse.

La mémoire de Dea était, plus encore que celle de Gwynplaine, dans la nuée. Si petite, tout s’était dissipé. Elle se rappelait sa mère comme une chose froide. Avait-elle vu le soleil ? Peut-être. Elle faisait effort pour replonger son esprit dans cet évanouissement qui était derrière elle. Le soleil ? qu’était-ce ? Elle se souvenait d’on ne sait quoi de lumineux et de chaud que Gwynplaine avait remplacé.

Ils se disaient des choses à voix basse. Il est