Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/254

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le visage. Il avait, lui, travaillé l’intelligence, et derrière ce masque si bien réussi il avait mis le plus qu’il avait pu de pensée. Dès que l’enfant grandi lui en avait paru digne, il l’avait produit sur la scène, c’est-à-dire sur le devant de la cahute. L’effet de cette apparition avait été extraordinaire. Tout de suite les passants avaient admiré. Jamais on n’avait rien vu de comparable à ce surprenant mime du rire. On ignorait comment ce miracle d’hilarité communicable était obtenu, les uns le croyaient naturel, les autres le déclaraient artificiel, et, les conjectures s’ajoutant à la réalité, partout, dans les carrefours, dans les marchés, dans toutes les stations de foire et de fête, la foule se ruait vers Gwynplaine. Grâce à cette « great attraction », il y avait eu dans la pauvre escarcelle du groupe nomade pluie de liards d’abord, ensuite de gros sous, et enfin de shellings. Un lieu de curiosité épuisé, on passait à l’autre. Rouler n’enrichit pas une pierre, mais enrichit une cahute ; et d’année en année, de ville en ville, avec l’accroissement de la taille et de la laideur de Gwynplaine, la fortune prédite par Ursus était venue.