Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/283

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Dea, du bonheur par un jour de souffrance. Tout le reste était damnation. Gwynplaine sentait au-dessus de lui le piétinement inconscient des puissants, des opulents, des magnifiques, des grands, des élus du hasard ; au-dessous, il distinguait le tas de faces pâles des déshérités ; il se voyait, lui et Dea, avec leur tout petit bonheur, si immense, entre deux mondes ; en haut le monde allant et venant, libre, joyeux, dansant, foulant aux pieds ; en haut, le monde qui marche ; en bas, le monde sur qui l’on marche. Chose fatale, et qui indique un profond mal social, la lumière écrase l’ombre ! Gwynplaine constatait ce deuil. Quoi ! une destinée si reptile ! L’homme se traînant ainsi ! une telle adhérence à la poussière et à la fange, un tel dégoût, une telle abdication, et une telle abjection, qu’on a envie de mettre le pied dessus ! de quel papillon cette vie terrestre est-elle donc la chenille ? Quoi ! dans cette foule qui a faim et qui ignore, partout, devant tous, le point d’interrogation du crime ou de la honte ! l’inflexibilité des lois produisant l’amollissement des consciences ! pas un enfant qui ne croisse pour le rapetissement ! pas une vierge qui ne grandisse pour