Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/57

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Elle avait du goût pour lord David. Lord David était beau, mais c’était par-dessus le marché. Elle le trouvait élégant.

Être élégant, c’est tout. Caliban élégant et magnifique distance Ariel pauvre. Lord David était beau, tant mieux ; l’écueil d’être beau, c’est d’être fade ; il ne l’était pas. Il pariait, boxait, s’endettait. Josiane faisait grand cas de ses chevaux, de ses chiens, de ses pertes au jeu, de ses maîtresses. Lord David de son côté subissait la fascination de la duchesse Josiane, fille sans tache et sans scrupule, altière, inaccessible et hardie. Il lui adressait des sonnets que Josiane lisait quelquefois. Dans ces sonnets, il affirmait que posséder Josiane, ce serait monter jusqu’aux astres, ce qui ne l’empêchait pas de toujours remettre cette ascension à l’an prochain. Il faisait antichambre à la porte du cœur de Josiane, et cela leur convenait à tous les deux. À la cour on admirait le suprême bon goût de cet ajournement. Lady Josiane disait : « C’est ennuyeux que je sois forcée d’épouser lord David, moi qui ne demanderais pas mieux que d’être amoureuse de lui ! »