Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/76

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Devéria osa le premier laisser pousser sa barbe, en 1702 Price Devereux osa le premier hasarder en public, sous la dissimulation d’une frisure savante, sa chevelure naturelle. Risquer sa chevelure, c’était presque risquer sa tête. L’indignation fut universelle ; pourtant Price Devereux était vicomte Hereford, et pair d’Angleterre. Il fut insulté, et le fait est que la chose en valait la peine. Au plus fort de la huée, lord David parut tout à coup, lui aussi, avec ses cheveux et sans perruque. Ces choses-là annoncent la fin des sociétés. Lord David fut honni plus encore que le vicomte Hereford. Il tint bon. Price Devereux avait été le premier, David Dirry-Moir fut le second. Il est quelquefois plus difficile d’être le second que le premier. Il faut moins de génie, mais plus de courage. Le premier, enivré par l’innovation, a pu ignorer le danger ; le second voit l’abîme, et s’y précipite. Cet abîme, ne plus porter perruque, David Dirry-Moir s’y jeta. Plus tard on les imita, on eut, après ces deux révolutionnaires, l’audace de se coiffer de ses cheveux, et la poudre vint, comme circonstance atténuante.