Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 2.djvu/87

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faisait point pédant et n’ôtait rien à son aisance dans le monde.

Ce n’est pas quand il était referee d’une boxe que les partenaires hâlés, bourgeonnés et velus de celui-ci ou de celui-là, se fussent permis, pour venir en aide à leurs boxeurs faiblissants et pour culbuter la balance des paris, d’enjamber la palissade, d’entrer dans l’enceinte, de casser les cordes, d’arracher les pieux, et d’intervenir violemment dans le combat. Lord David était du petit nombre des arbitres qu’on n’ose rosser.

Personne n’entraînait comme lui. Le boxeur dont il consentait être le « trainer » était sûr de vaincre. Lord David choisissait un Hercule, massif comme une roche, haut comme une tour, et en faisait son enfant. Faire passer de l’état défensif à l’état offensif cet écueil humain, tel était le problème. Il y excellait. Une fois le cyclope adopté, il ne le quittait plus. Il devenait nourrice. Il lui mesurait le vin, il lui pesait la viande, il lui comptait le sommeil. Ce fut lui qui inventa cet admirable régime d’athlète, renouvelé depuis par Moreley : le matin un œuf cru et un verre de sherry, à midi gigot saignant et thé, à