Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/137

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plait cette prunelle bleue et cette prunelle noire, éperdu sous la double fixité de ce regard de ciel et de ce regard d’enfer. Cette femme et cet homme se renvoyaient l’éblouissement sinistre. Ils se fascinaient l’un l’autre, lui par la difformité, elle par la beauté, tous deux par l’horreur.

Il se taisait comme sous un poids impossible à soulever. Elle s’écria :

— Tu as de l’esprit. Tu es venu. Tu as su que j’avais été forcée de partir de Londres. Tu m’as suivie. Tu as bien fait. Tu es extraordinaire d’être ici.

Une prise de possession réciproque, cela jette une sorte d’éclair. Gwynplaine, confusément averti par une vague crainte sauvage et honnête, recula, mais les ongles roses crispés sur son épaule le tenaient. Quelque chose d’inexorable s’ébauchait. Il était dans l’antre de la femme fauve, homme fauve lui-même.

Elle reprit :

— Anne, cette sotte, — tu sais, la reine ? —