Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était debout. Les gerbes de chandelles placées des deux côtés du trône éclairaient vivement sa face, et la faisaient saillir dans la vaste salle obscure avec le relief qu’aurait un masque sur un fond de fumée.

Gwynplaine avait fait sur lui cet effort qui, on s’en souvient, lui était, à la rigueur, possible. Par une concentration de volonté égale à celle qu’il faudrait pour dompter un tigre, il avait réussi à ramener pour un moment au sérieux le fatal rictus de son visage. Pour l’instant, il ne riait pas. Cela ne pouvait durer longtemps ; les désobéissances à ce qui est notre loi, ou notre fatalité, sont courtes ; parfois l’eau de la mer résiste la gravitation, s’enfle en trombe et fait une montagne, mais à la condition de retomber. Cette lutte était celle de Gwynplaine. Pour une minute qu’il sentait solennelle, par une prodigieuse intensité de volonté, mais pour pas beaucoup plus de temps qu’un éclair, il avait jeté sur son front le sombre voile de son âme ; il tenait en suspens son