Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/15

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intervint en faveur du peuple dans la question des ateliers nationaux ; au reste, il ne commit pas l’imprudence de s’inféoder à un chef ; se raidissant dans sa personnalité, il ne suivit ni Cavaignac, ni Lamartine, ni Ledru-Rollin ; et, l’ambition tendue, il attendit l’occasion.

L’occasion se présenta. V. Hugo déménageait : il quittait son appartement de la Place Royale pour s’installer rue de la Tour-d’Auvergne. Les déménageurs n’avaient encore monté qu’un coffre à bois[1]. On frappe ; V. Hugo ouvre la porte : c’était Louis-Napoléon Bonaparte. L’on s’assit sur le coffre et l’on causa. Quelle fut cette conversation et par quelles promesses l’évadé de Ham persuada-t-il le poète ? Dans l’Histoire d’un Crime, V. Hugo prête à son interlocuteur un long discours de loyalisme républicain. « Que pourrais-je recommencer de Napoléon ? lui aurait dit modestement Louis Bonaparte, une seule chose, un crime. La belle ambition ! Pourquoi me supposer fou ? La république étant donnée, je ne suis pas un grand homme, je ne copierai pas Napoléon ; mais je suis un honnête homme, j’imiterai Washington. Mon nom, le nom de Bonaparte, sera sur deux pages de l’histoire de France ; dans la première, il y aura le crime et la gloire ; dans la seconde, la probité et l’honneur. »[2] Ce qu’il y a de sur, c’est que V. Hugo fut séduit. Sans doute aussi l’admiration qu’il avait professée jusqu’alors pour Napoléon Ier dans toutes ses œuvres le

  1. Camille Pelletan. V. Hugo homme politique. Paris, Ollendorff, 1907, p. 148.
  2. V. Hugo, Histoire d’un Crime, ch. 1, Sécurité. M. G. Rivet se porte garant que l’académicien Alexis de Saint-Priest assistait à cette conversation et qu’il entendit les propos tenus par Louis Bonaparte. V. Hugo chez lui. Paris, Dreyfous, s. d., p. 69.