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Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/18

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par là redoutable à celui dont il venait de constater la duplicité. Dès lors, à chaque acte réactionnaire du Prince-Président, la voix de V. Hugo s’éleva : protestation contre la mainmise du clergé sur les intelligences, à propos de la Loi Falloux ; défense de la liberté de l’individu, à propos de la Déportation ; plaidoirie pour la liberté du vote, à propos du Suffrage universel ; apologie enfin de la Liberté de la presse[1]. Il se haussait peu à peu, sans rompre cependant encore ouvertement avec la personne de Louis Bonaparte, à recueillir sa succession ; son ambition était de devenir le candidat désigné à la Présidence par la gauche ; la place était à prendre en effet : Ledru-Rollin, après une tentative maladroite et avortée d’insurrection, ne venait-il pas de s’exiler à Bruxelles ?

À ce moment, le Prince-Président, si son siège n’eût été fait, aurait pu considérer véritablement V. Hugo comme un rival redoutable ; et il était naturel que V. Hugo se laissât aller de nouveau à ses espérances, qu’il entrevît pour lui un sort semblable à celui de Lamartine et qu’il comptât sur le triomphe prochain de ses idées et de sa personne.

Or, c’est à ce moment-là même que Louis-Napoléon Bonaparte demande la revision de la Constitution et la prorogation de sa présidence ; c’était la stabilité assurée du gouvernement dont V. Hugo s’était fait l’ennemi.

On conçoit sa fureur indignée ; elle s’aiguisait de deux persécutions récentes : les poursuites dirigées contre son journal, contre l’Événement qui avait si lyriquement soutenu la candidature du Prince-Président, et l’emprisonnement de son fils Charles Hugo, auteur d’articles incriminés sur la peine de mort.

Cette fois donc, V. Hugo éclata : son discours contre la Revision de la Constitution fut le prélude des Châtiments. C’est avec toute la sauvagerie d’une colère écumante qu’il fonça sur son adversaire personnel et démasqua le futur usurpateur :

Quoi ! parce que, après dix ans d’une gloire immense, d’une gloire presque fabuleuse à force de grandeur, Napoléon, à son tour, a laissé tomber d’épuisement ce sceptre et ce glaive qui avaient accompli tant

  1. Tous ces discours figurent dans Actes et Paroles.