Aller au contenu

Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portefeuille de l’Instruction publique[1]. Mais le Prince-Président éluda le candidat avec un sans-gêne, où il entrait sans doute assez de mépris pour un homme, dont la parole, sonore et retentissante auprès du peuple, était sans influence dans les milieux politiques[2], et dont au reste l’ambition et les idées libérales restaient suspectes.

C’est parmi les membres de la droite que le Prince-Président choisit son premier ministère. Odilon Barrot et de Falloux en étaient les chefs ; mais le prince sut faire patienter sa dupe ; il présenta à V. Hugo ce choix comme une manœuvre de la première heure, nécessaire à sa politique. V. Hugo attendit encore ; on le fit espérer jusqu’au 31 octobre 1849, c’est-à-dire pendant une année entière. Plus le calvaire était long, et moins V. Hugo se sentait disposé à renoncer au prix de ses sacrifices. Il les exagérait même pour forcer à s’ouvrir la main dont il attendait sa récompense. Il n’hésitait pas, le 19 octobre, à rompre avec la droite, pour suivre plus étroitement la politique du Prince-Président qui se détachait d’un appui compromettant et qui, sentant son pouvoir désormais établi, semblait disposé à ouvrir plus largement à ses amis personnels les portes du gouvernement.

À propos de l’expédition de Rome, faisant bon marché lui-même, par déférence pour le prince, de ses relations avec la droite, V. Hugo présentait cet ordre du jour opportuniste : « L’Assemblée, adoptant pour la liberté et les droits du peuple romain, les principes contenus dans la lettre du Président et dans les dépêches du gouvernement, clôt la discussion. »

Vain dévouement ! Le ministère du 31 octobre ne compta pas V. Hugo parmi ses membres.

L’ambitieux, en qui grondait sourdement la colère, ne se tint pas pour battu ; il chercha d’autres voies : tous ses efforts tendirent désormais à devenir le chef de la gauche et à se rendre

  1. Cf. l’article d’Émile de Girardin dans la Presse du 4 mars 1849, et, dans le Moniteur du 18 juillet 1851, le compte rendu de la séance de la Chambre du 17 juillet.
  2. « Il est impossible de prendre M. Victor Hugo pour un homme terrible, écrit en juin 1850 Cuvillier-Fleury : il est de ceux qui ont le pouvoir d’agiter la multitude sans la dominer. » Cuvillier-Fleury, Portraits politiques et révolutionnaires, p. 277. — Sur l’influence de V. Hugo, orateur, cf. Eugène Loudun, Les derniers orateurs (1848-1802). Rennes, 1855 : Victor Hugo, p. 88-114.