Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/301

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Il allait ; tout à coup, sur son livide voile Il vit poindre et grandir comme une noire étoile ; L’étoile s’élargit lentement, et Kanut, La tâtant de sa main de spectre, reconnut Qu’une goutte de sang était sur lui tombée ; Sa tête, que la peur n’avait jamais courbée, Se redressa ; terrible, il regarda la nuit, Et ne vit rien ; l’espace était noir ; pas un bruit ; « En avant ! » dit Kanut levant sa tête fière ; Une seconde tache auprès de la première Tomba, puis s’élargit ; et le chef cimbrien Regarda l’ombre épaisse et vague, et ne vit rien ; Comme un limier à suivre une piste s’attache, Morne, il reprit sa route ; une troisième tache Tomba sur le linceul. Il n’avait jamais fui ; Kanut pourtant cessa de marcher devant lui, Et tourna du côté du bras qui tient le glaive ; Une goutte de sang, comme à travers un rêve, Tomba sur le suaire et lui rougit la main ; Pour la seconde fois il changea de chemin, Comme en lisant on tourne un feuillet d’un registre, Et se mit à marcher vers la gauche sinistre ; Une goutte de sang tomba sur le linceul ;