Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/344

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Il reprit :

« Ça, je suis stupide. Il est étrange Que je cherche un preneur de ville, ayant ici Mon vieil oiseau de proie, Eustache de Nancy. Eustache, à moi ! Tu vois, cette Narbonne est rude ; Elle a trente châteaux, trois fossés, et l’air prude ; À chaque porte un camp, et, pardieu ! j’oubliais, Là-bas, six grosses tours en pierre de liais. Ces douves-là nous font parfois si grise mine Qu’il faut recommencer à l’heure où l’on termine, Et que, la ville prise, on échoue au donjon. Mais qu’importe ! es-tu pas le grand aigle ?

— Un pigeon, Un moineau, dit Eustache, un pinson dans la haie ! Roi, je me sauve au nid. Mes gens veulent leur paye ; Or, je n’ai pas le sou ; sur ce, pas un garçon Qui me fasse crédit d’un coup d’estramaçon ; Leurs yeux me donneront à peine une étincelle Par sequin qu’ils verront sortir de l’escarcelle. Tas de gueux ! Quant à moi, je suis très ennuyé ; Mon vieux poing tout sanglant n’est jamais essuyé ; Je suis moulu. Car, sire, on s’échine à la guerre ; On arrive à haïr ce qu’on aimait naguère, Le danger qu’on voyait tout rose, on le voit noir ; On s’use, on se disloque, on finit par avoir La goutte aux reins, l’entorse aux pieds, aux mains l’ampoule, Si bien, qu’étant parti vautour, on revient poule.