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Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 1.djvu/212

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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Le fier combat du roi des Vendes Thassilo,
Contre Nemrod sur terre et Neptune sur l’eau,
Le fleuve Rhin trahi par la rivière Meuse,
Et, groupes blêmissants sur la paroi brumeuse,
Odin, le loup Fenris et le serpent Asgar ;
Et toute la lumière éclairant ce hangar,
Qui semble d’un dragon avoir été l’étable,
Vient d’un flambeau sinistre allumé sur la table ;
C’est le grand chandelier aux sept branches de fer
Que l’archange Attila rapporta de l’enfer
Après qu’il eût vaincu le Mammon, et sept âmes
Furent du noir flambeau les sept premières flammes.
Toute la salle semble un grand linéament
D’abîme, modelé dans l’ombre vaguement ;
Au fond, la table éclate avec la brusquerie
De la clarté heurtant des blocs d’orfévrerie ;
De beaux faisans tués par les traîtres faucons,
Des viandes froides, force aiguières et flacons,
Chargent la table où s’offre une opulente agape ;
Les plats, bordés de fleurs, sont en vermeil ; la nappe
Vient de Frise, pays célèbre par ses draps ;
Et, pour les fruits, brugnons, fraises, pommes, cédrats,
Les pâtres de la Murg ont sculpté les sébiles ;
Ces orfévres du bois sont des rustres habiles
Qui font sur une écuelle ondoyer des jardins
Et des monts où l’on voit fuir des chasses aux daims.
Sur une vasque d’or aux anses florentines,
Des actéons cornus et chaussés de bottines